Ce matin, il y a un peu de relief dans le ciel. Il fait doux. J’écris sur le pont. Mon cendrier marocain a rejoint mon cimetière minéral s’étant brisé dans mes mains au moment où je l’ai attrapé pour un ami pendant la nuit. Avec la lumière de la ville qui se reflétait dans le ciel blanc, c’était la nuit sans être la nuit, nous fumions. Il n’y a pas de vent pourtant le ciel change très vite, à peine le temps d’écrire relief que le relief a disparu, mot-fumée. Nous sommes la 44ème semaine du Temps Ordinaire, c’était la nouvelle lune hier. Les oiseaux sur ma tasse de café y sont restés, volant sur place, comme moi. Cette pratique du cimetière minéral m’a été inspirée par mon ami Jean Ecochard. Je le voyais dans son jardin rassembler à un endroit précis toute la vaisselle cassée, les ossements d’animaux trouvés, et aussi les pierres. Il avait aussi un espace dédié au feu avec ce qu’il voulait brûler mais si je fais ça dans mon bateau je risque d’y rester. La place du feu se réserve souvent à l’espace d’une bougie, d’une toute petite flamme que j’allume même en journée. C’est reposant ici de ne pas voir la ville, d’être simplement avec le ciel, les oiseaux, les araignées. Je pourrais être n’importe où. On approche de midi, il y a des effluves de fritures qui montent jusqu’au bateau. J’ai déjà vécu devant un relief qui dure. Je garde précieusement l’image de cette montagne dans la cuisine du bateau comme certaines autres images de lieux que j’invite à entrer ici : la cabane de Jean, le salon-bureau de Marguerite Duras à Neauphle-le-Château, Notre-Dame de La Garde, le village de Vézelay, l’ermitage de Saint Jacques de Calahons, la montagne du Madres surmonté d’un arc-en-ciel… J’invite ici tout ce qu’il manque.
Cimetière minéral, Sacha S. |
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