Une phrase gravée en moi par un ami écrivain qui me revient à chaque fois que je prends ma plume de bonne heure : « Le matin quand on écrit, on recueille la rosée ». Plusieurs jours que je rêve de gagner une terre où je pourrais marcher pieds nus dans l’herbe au réveil. Ici, et tout autour, c’est l’eau, l’eau, encore l’eau – le ciel, le ciel, encore le ciel – et dans toutes les directions, du temps. Imperturbablement dans la cuisine une rose accomplit son long dessèchement et des graines d’œillets de poètes attendent d’être plantées quand une terre sera gagnée, on ne sait quand. C’est peut-être cette nostalgie de la terre qui a limité l’écriture de mes notes ces derniers jours. Je crois que j’étais hypnotisée par des zones d’eaux sombres. Le moulin à café n’a pas tourné non plus, un peu comme l’écriture finalement. On dit que l’écriture avance mais pourquoi ne pas dire qu’elle tourne ? Dans mes dernières lectures, j’ai trouvé une autre citation possible à mettre en exergue si un jour ces notes constituaient un livre. C’est un passage du Journal de Charles Juliet lors de son séjour en Nouvelle-Zélande, publié dans l’ouvrage Au pays du long nuage blanc.
« 26 aôut
Pourquoi écrire ces notes ? Je ne sais trop. Je ne m’illusionne pas sur leur intérêt. Mais il me faut bien me satisfaire de ces menus riens qui peuplent nos journées. C’est de ces riens que je veux garder la trace. Avec cet espoir que leur somme prendra peut-être un sens et un intérêt qui pourraient rejaillir sur chacun d’eux. »
Pendant des années j’ai vu ma grand-mère remplir des cahiers où elle notait tout ce qu’elle mangeait, matin, midi et soir, au gramme près. Bien loin de toutes connaissances et préoccupations littéraires, dans le souci de comprendre les variations de son poids, je l’observais avoir ce geste simple d’écrire chaque jour, de s’attabler, de parcourir en mémoire tout ce qu’elle avait ingéré quand elle avait un peu de retard. Le jour où je su lire, je m’amusais à les lire et à découvrir au détour des œufs, de la viande, de la salade, et des tranches de pain quelques autres notations : une dispute avec mon grand-père, un gain au loto, la visite d’un ami, une fête d’anniversaire…Trois fois rien, mais comment dire que j’adorais cela ? Que c’était savoureux pour moi ce mince filet d’écriture. Il y a quelques temps, j’ai demandé à ce que ces cahiers soient mon héritage, ma grand-mère semblait d’accord… Mais j’ai entendu mon grand-père dire qu’ils seront brûlés.
Les recettes de nos vies de tous les jours.
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