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Mercredi 29 janvier 2020, matin

« Les portes de la maison d’Aurélia Steiner sont ouvertes à tout, aux ouragans, à tous les marins des ports et cependant rien n’arrive dans ce lieu de la maison d’Aurélia que ce désert de l’écrit, que la consignation incessante de ce fait-là, ce désert. » 
Marguerite Duras, L’été 1980 

Il y a plusieurs fenêtres ici par lesquelles je ne regarde jamais : une minuscule dans le couloir, très haute à côté du grand hublot, ainsi que trois fenêtres à hauteur du sol donnant sur la rue avec deux barreaux chacune par mesure de sécurité. La fonction principale de ces quatre ouvertures est donc l’accueil de la lumière. Les ouvertures au niveau du toit, au nombre de trois aussi mais dont l’une est occultée, me permette de voir le haut des immeubles voisins, les anciennes cheminées, les antennes télévisuelles, le ciel bien sûr, les oiseaux si j’ai la patience d’attendre leur apparition, les étoiles quand le ciel est clair, les avions, les rayons du soleil, la pluie, la lune … Je peux voir aussi les escaliers de la montée du boulevard avec ses graffitis, ses quelques piétons qui exceptionnellement à cet endroit de la ville se disent bonjour au vu de la rareté du passage et de l’aspect un peu sauvage qu’évoque sa végétation, un grand cyprès dans une terrasse de cette montée se dévoile également à mon regard du point de vue que j’habite. Ce matin, le son de la clarinette d’un voisin je ne sais où autour de moi reprend, comme un refrain habituel de vivre ici avec ce son surgissant régulièrement mais de façon imprévisible. Chaque jour, l’éphéméride collé sur le réfrigérateur est effeuillé, on peut y lire l’heure exacte du lever du soleil et son coucher. Aujourd’hui 29 janvier 2020 : 7h27, 16h41. L’enfant a effacé son dessin à la craie sur l’ardoise accroché à un clou sur le mur de la cuisine. L’ardoise est maintenant vide. Comme une suite mystérieuse mathématique, le dessin effacé représentait des lignes et des lignes de ronds de couleurs différentes mais j’ai déjà oublié les détails car je ne regardais plus ces signes qui étaient sous mes yeux tous les jours depuis plusieurs mois. Je vois simplement maintenant que l’ardoise est vide, en attente d’une écriture. Une carte postale de la pointe du Raz, de la Baie des Trépassés, de l’île de Sein dans le Finistère Sud est aimantée sur le réfrigérateur. En italique en haut à gauche, c’est écrit « Le Bout du Monde ». Après la pluie qui m’a réveillé ce matin, le ciel se découvre comme une nuit dont on se souvient de ses rêves, qui ne reste pas opaque à la mémoire.  


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