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Articles

Affichage des articles du janvier, 2020

Jeudi 30 janvier 2020, nuit

« Habiter un lieu est-ce se l’approprier ? Qu’est-ce que s’approprier un lieu ? A partir de quand un lieu devient-il vraiment le vôtre ? »  Georges Perec, Espèces d’Espaces J’ai décidé que je cesserai bientôt cette écriture, peut-être encore tirer ces Notes jusqu’au bout de l’hiver et les abandonner aux beaux jours quand je laisserai le bateau à quai et que je partirai à pieds, lassée de ma solitude avec l’eau du ciel. Cette nuit les bruits sont inquiétants : les cris d’un homme (peut-être dans l’escalier aux végétations sauvages en face), les basses répétitives d’un son techno (peut-être chez mon voisin du dessous chez qui je fais tomber de la poussière en marchant). A partir de maintenant où je vois la fin, je ne peux plus écrire de la même manière comme si je vivais ici pour toujours. Quelque chose à l’intérieur de moi se scinde,  Je me suis habituée à cette fenêtre  à ce que les oiseaux traversent le ciel sur un visage...

Mercredi 29 janvier 2020, matin

« Les portes de la maison d’Aurélia Steiner sont ouvertes à tout, aux ouragans, à tous les marins des ports et cependant rien n’arrive dans ce lieu de la maison d’Aurélia que ce désert de l’écrit, que la consignation incessante de ce fait-là, ce désert. »  Marguerite Duras, L’été 1980  Il y a plusieurs fenêtres ici par lesquelles je ne regarde jamais : une minuscule dans le couloir, très haute à côté du grand hublot, ainsi que trois fenêtres à hauteur du sol donnant sur la rue avec deux barreaux chacune par mesure de sécurité. La fonction principale de ces quatre ouvertures est donc l’accueil de la lumière. Les ouvertures au niveau du toit, au nombre de trois aussi mais dont l’une est occultée, me permette de voir le haut des immeubles voisins, les anciennes cheminées, les antennes télévisuelles, le ciel bien sûr, les oiseaux si j’ai la patience d’attendre leur apparition, les étoiles quand le ciel est clair, les avions, les rayons du soleil, la pluie, la...

Lundi 27 janvier 2020, matin

Quelques étages plus bas, il y a un mouvement : Un départ. Hier, je constatais dans le local à poubelles beaucoup de déchets provenant de cet homme qui s’en allait, des enveloppes avec son nom ne trompaient pas. Au moment où je rentre de ma marche ce matin, il est là, dans le hall, venu pour chercher son courrier, je lui fais remarquer le désordre laissé.  « Nous nous sommes séparés, je ne voulais pas rester là seul » , me confie-t-il. Arriver, partir pour des débuts et des fins d’histoires d’amour, beaucoup était dit dans l’énonciation de cette simple phrase lancée entre nous qui ne nous connaissions pas dans ce hall d’immeuble froid. Quand je suis là-haut, je ne sens pas qu’un couple s’est déchiré au-dessous de moi, qu’un homme et une femme sont partis, je n’ai rien vu, rien entendu, je l’ai su, et c’est déjà terminé. Mon voisin du dessous est venu la semaine dernière sonner chez moi à 21 heures. La cigarette au bec, gêné, il est venu me dire qu’avec mon enfant qu...

Jeudi 23 janvier 2020, matin

Reprendre ces notes comme revenir chez soi, espérer encore que les oiseaux sur ma tasse de café s’envolent. Reprendre ces notes comme accepter le voyage immobile d’être ici. Aujourd’hui, je suis là. Aujourd’hui, le ciel est bas, je me place sous la plus grande lucarne du bateau pour avoir le plus de lumière possible. Je me place dans le vide de l’écriture où la mer est vaste, où les tempêtes se défient avec des mots, avec des phrases – des constructions de phrases, des métaphores pour des métamorphoses. Que je suis-je capable d’autre que de consigner le présent et le temps qu’il fait ? D’être nue face aux éléments ? De lire inlassablement comme on lit pour occuper son voyage en jetant des regards vers l’horizon puis en replongeant en soi-même et dans l’imagination ?